Le banquier, une espèce en voie de disparition ?

La disparition des banquiers fait place aux comptes digitaux et intelligents

Innovation

Le secteur bancaire est en pleine crise identitaire.

Que se passe-t-il ? Les jeunes ne veulent plus de la banque de leurs parents qui ne suit pas les modes de vie de plus en plus numérisés qu’empruntent ces digitale-natives. Les nouveaux entrepreneurs n’ont plus envie de jouer les démarcheurs pour obtenir un prêt auprès des agences. Les conseillers bancaires subissent la méfiance accrue des clients face à des frais excessifs et des produits qu’on voudrait leur vendre comme dans un supermarché. Le lien entre banque et client semble s’être, depuis un certain temps, distendu. Un écart qui se creuse à l’avènement des Fintech et de leur dématérialisation du système bancaire. Le visage de notre banquier serait-il en train de disparaître de notre quotidien ? Le constat est mitigé devant des usagers désormais partagés entre un désir d’autonomie et celui d’une relation personnalisée.

Imaginez-vous pénétrer dans une banque sans personnel. À la place de l’agent présent au guichet vous trouvez face à vous un écran vidéo. Toute la hiérarchie bancaire se retrouve ainsi pixelisée derrière cette tablette, tout en vous accordant les mêmes services qu’une agence habituelle, comme l’ouverture d’un compte ou encore la souscription à un crédit. Une fois la manœuvre effectuée, et si vous désirez davantage de conseils, ce « banquier fictif » vous mettra en communication avec un conseiller spécialisé, non pas dans un bureau standard, mais en visioconférence. Le scénario de cette banque déshumanisée ne sort pourtant pas de l’esprit d’un cinéaste adepte de science-fiction. Aux Etats-Unis, la Bank of America a déjà lancé plusieurs de ces agences dénuées de personnel physique dans le pays. En Europe, le scénario pourrait se profiler face aux secousses des agences traditionnelles. Le processus s’est d’ailleurs déjà enclenché depuis quelques années maintenant. Aux prémices de cette évolution, le client a tout d’abord été détourné de la queue du guichet pour se diriger vers les distributeurs automatiques pour ses retraits et relevés d’opérations bancaires et vers les bornes de dépôt pour ses chèques et ses liquides. Aujourd’hui, confrontées à une numérisation de plus en plus présente, les banques européennes ont poussé la démarche encore plus loin…

On pourrait expliquer cette prise de distance du client, vis-à-vis de son banquier, par une certaine perte de confiance dans les services bancaires. Quand la crise de 2008 a ébranlé tout un système monétaire, le banquier a subi les retours de ces événements. Vente de produits dangereux pour les finances de ses clients, frais bancaires qui ne semblent pas justifiés aux yeux de ces derniers, ou encore refus d’accord de crédit pour les projets d’entrepreneurs leur semblant trop risqués… L’intermédiaire bancaire dérange. Interrogés en 2010 par le cabinet de sondage financier Ernest & Young, 42% des Français affirmaient que la crise avait eu un impact négatif sur la confiance qu’ils plaçaient en leur banque, et 75% des clients fidèles à leur banque depuis 10 ans ont émis l’hypothèse de la quitter. Cependant, ce qui a su faire réagir les banques relève certainement d’une refonte plus globale de la structure du système bancaire, plutôt que des relents d’une crise passée. En effet, les « murs d’argent » ont petit à petit remplacé le personnel au guichet des banques, ce qui ne fait pas de doute sur le fait que les agences bancaires ne pouvaient continuer à servir leurs clients comme au siècle dernier. Un « choc électrique » induit par le succès prometteur des Fintech, premières à avoir entendu l’envie des consommateurs de dépoussiérer une banque encore trop centrée sur la paperasse et ses rendez-vous fastidieux. En 2020, il faut faire vite et bien !

Un conseil numérique plus discret

Face au déclin de la popularité des agences bancaires, ces dernières ont décidé d’entreprendre une reconversion digitale pour ne pas sombrer complètement, mais aussi pour répondre à une demande de plus en plus appuyée des consommateurs pour une bancarisation à distance. Les grands noms de la banque en Europe ont pris le virage des Fintech avec un certain succès grâce à la mise en place de banques en ligne, de nouveaux interlocuteurs. Les services bancaires, ainsi traduits au format mobile, ont résumé en quelque sorte la communication des banques et de ses agents. Une simplification qui par la même occasion a retiré le service de conseil bancaire traditionnel pour une grande majorité des banques en ligne. Une absence d’agence physique serait donc synonyme d’absence de conseillers bancaires. Pour les usagers des banques traditionnelles ayant l’habitude d’avoir un conseiller en agence qui les suivait depuis un moment et les guidait à travers des projets à plus ou moins long terme, l’expérience de ces banques dématérialisées peut-être quelque peu déroutante. À l’image d’un service après-vente d’une société téléphonique ou encore d’un magasin d’ameublement, le SAV de ces nouvelles banques nous propose le même schéma, c’est-à-dire une personne au bout du fil différente à chaque appel. En effet, les tarifs bancaires parfois plus avantageux de ces structures financières 2.0 tiennent en partie de ces « conseillers fantômes ».

Ces nouvelles banques nous dirigent de plus en plus vers une gestion autonome de nos finances. Les néo-banques sont certainement les exemples les plus pertinents de cette prise de pouvoir du client. Un client qui en viendrait presque à prendre la place du banquier. Ces banques de poches nous donnent les outils nécessaires à une gestion personnelle de notre porte-monnaie. Elles effacent tout d’abord un long processus de conversation avec sa banque notamment en simplifiant radicalement le délai d’inscription à un compte. Fini les contrats à rallonge et l’épaisse masse de documents à fournir, une simple carte d’identité est le plus généralement requis. Un plus qui a de quoi attirer une nouvelle clientèle, telle que les étudiants ne percevant pas de salaire, ou encore les interdits bancaires puisque aucune condition sur le revenu n’est la plupart du temps demandée. Malgré une interdiction au découvert bancaire ou bien une consultation de son solde actualisé en temps réel, la facilité de gestion des comptes des néo-banques ne peut pas convenir à tout le monde. Le manque de conseillers bancaires, à l’image de l’allemande N26 qui relaie une grande partie de son SAV sur les réseaux sociaux, a de quoi effrayer les personnes peu à l’aise avec la technologie comme les personnes âgées. Rappelant aussi que malgré certains abus, les banquiers sont les plus à même de vous conseiller sur le meilleur produit qui correspondra à votre démarche financière.

À la recherche du bon compromis

Pour répondre à ces nouvelles tendances en matière de « consommation » de la finance, les banques ont fait preuve d’une certaine créativité sur la conception de produits inédits et de services dématérialisés. Suite à cette démarche, elles se sont tout de même rendu compte de la précieuse valeur d’un conseil bancaire et ce encore pour de nombreuses personnes. Face à ces envies paradoxales du client, trouver un point d’équilibre n’est pas encore tout à fait d’actualité. Le constat est clair : si les réseaux se sont modernisés, ils ne se sont peut-être pas encore assez diversifiés de ces banques traditionnelles. Mais le continent européen cherche toujours et un peu partout fleurissent des concepts qui ont su faire leurs preuves dans d’autres domaines. En prenant l’exemple des concept stores comme ceux d’Apple ou de Nike, largement répandus dans les grandes agglomérations, certaines banques ont décidé d’élaborer des structures similaires où vendre et conseiller auraient pris un visage plus moderne et en corrélation avec nos modes de vie connectés. Ces grands espaces dépoussiérant l’agence bancaire, telle que nous la connaissons, sont déjà présents en Angleterre avec la boutique de la Barclays à Londres ou encore au Danemark avec la Jyske Bank, dont les agences s’apparentent à l’atmosphère détendue et productive de concept comme les chaleureux espaces de coworking.

Même si les citoyens sont encore nombreux à bouder leur banquier, ce dernier apparaît encore comme un pilier d’une relation indispensable à la santé économique de tous. La montée en puissance des nouvelles technologies financières a par la même occasion soulignée la nécessité de renouveler le lien social entre banque et client. Les banques européennes assimilent ce nouvel axe de progression et tentent de le traduire dans des modèles de distribution toujours plus innovants et personnalisés. Reste à savoir quel acteur bancaire exploitera au mieux la réinvention de cette relation ?

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